CALL TO MOTHER
November 8, 1993
"Allô c'est Brigitte.
-Allô, allô j'écoute j'écoute.
-Bri-gitte.
-Brigitte! Ma chérie! Oh, mais je suis sur le petit téléphone dans
la cuisine, je ne t'entends pas très bien, mais vas-y, je
t'écoute.
- Eh bien je renvoie, je retourne ton coup de téléphone; tu m'as appelée
deux fois...
-Oui, oui, d'accord.
- (Accusatrice) Pourquoi tu m'appelles, pourquoi tu veux venir?
- Ben écoute, parce que je suis tellement déçue que tu viennes pas!
- Pourquoi tu veux que je viennes?
-Mais t'avais bien dit que tu viendrais à Paris!
-J'ai dit que je peux pas en ce moment, parce...
-Ben oui, c'est ça!
-Alors pourquoi veux-tu que je vienne? Qu'est-ce que tu entends par
"mettre à plat"? Tu parles de tout mettre à plat, qu'est-ce que
t'entends par là?
- Eh ben oui, de répondre à tes questions?
-Ecoute ça fait trois ans que je pose des questions, vous me
répondez toujours à côté de la question.
- Ecoute, dis moi, est-ce que tu as reçu les sept feuillets de
comptabilité de l'étude?
-Oui, j'ai reçu, oui.
-Bon. Alors c'est quand même clair!
- C'est pas clair du tout, parce que moi-même ce matin j'ai
téléphoné à l'UNOFI, et ils m'ont dit qu'il y a eu un seul (le
micro fait "iiiiiiii") un seul achat de part le 28 avril et qu'il y a
jamais eu de retrait depuis! "iiiiiiiii"
-Oh! Qu'est-ce que c'est que cette histoire?
-et que le solde actuel attends, ne quitte pas, je vais vérifier.
Le solde actuel est de FF258 000 et quelques. Alors vous me
racontez encore des conneries!
-Mais qu'est-ce que... pourquoi tu dis ça? -(un petit rire
méprisant) -On t'as pas, on t'a pas donné le solde du compte
UNOFI!
-Hm hm dubitatif (On a racheté des parts au fur et à mesure des
besoins pour payer les travaux aux dates que tu vois sur les
feuillets.
-Ouais... et le solde de la succession, c'est FF69 360?
-Indépendamment de ce qui est placé.
- Oui, mais d'après ce que je comprends sur les papiers, la
majorité de ce qui a été placé a été retirée.
-Oui, bien sûr.
-Ouais, ouais...
-Mais on te l'a bien dit que en utilisant l'argent placé, ça
évitait qu'on fasse un emprunt pour les travaux.
-Ouais, mais le monsieur à qui j'ai parlé ce matin m'a dit qu'il y
a eu un achat et rien de plus.
Silence.
-Ah dis donc! Alors il faut que je mette ça au clair avec le notaire. Les dates d'achat, elles ont bien figuré sur les feuillets, c'est pas du bidon.
-De toute façon....il y avait .... il y avait plus d'un million de
placé.
-Oui, et pourquoi tu m'en donnes pas un petit peu à moi? Au lieu de
le placer?
- Mais parce qu'il était bien convenu qu'on allait régler la
succession quand Pantin serait vendu.
-Et commen ça se fait que mes autres frères et soeurs ont des
logements à eux et pas moi?
-Ha (las et impatient) Ecoute tu m'as déjà posé la question.
-Ben oui mais tu m'as jamais répondu d'une façon satisfaisante.
- Ben si...
-Non
-C'est parce qu'il y a des opportunités...
-Oui, et alors...
-et qu'on a acheté pour ceux qui en avaient besoin.
- Mais j'en ai besoin moi aussi, tu sais bien que je vis dans un
taudis, avec des cafards et des marchands de drogue tout autour de
moi. Tu le sais très bien ça. Tu veux que je me fasse descendre
dans la rue?
-Non, alors...
-Si c'est ça que tu veux.
-Mais fais nous part de ton projet.
-Mon projet, mon projet, ça te regarde pas mes projets, c'est ma
vie, ça te regarde pas.
-Ton projet d'acheter une maison.
-Je veux l'argent qui me revient et j'en fais ce que je veux.
- Ecoute, c'est pas possible de te donner de l'argent
maintenant.
-Mais tu m'as toujours dit ça depuis le début. Il y a des millions
et des millions en liquide.
-Mais écoute, ça va pas, Brigitte.
-Mais si ça va.
-Depuis la mort de Papa, il n'y a pas eu de prélèvements de fonds
pour acheter une maison.
-Et tout l'argent liquide avec lequelle Sophie, Agnès, Véronique
ont acheté des maisons..... Normalement on avait un million en
liquide chacun. Alors qu'est-ce que t'attends pour me le donner ce
million? Que je te dénonce au fisc, c'est ça que tu veux?
-Oh ben tu sais, ça m'apportera pas grand chose. Tout est
officiel.
-C'est pas vrai
-Tu auras un million dès que Pantin sera vendu.
-C'est pas vrai.
-On ne peut pas te le donner avant.
-Pourquoi?
-Mais parce qu'il faut régler la succession.
-Ah, on tourne en rond avec toi. Tu veux pas que j'aie un sou,
c'est ça!
-Mais demande au notaire.
-Ah, le notaire, tu l'as dans la poche le notaire.
-Tu parles, comme je l'ai dans la poche.
- Parfaitement. Tu a mis main basse sur tout l'argent, et tu le
donnes qu'à ceux qui veulent bien faire tes combines et tes
magouilles, voilà comment ça se passe.
-C'est toi qui en as eu le plus, de tout ce qui est rapport des immeubles.
-Mon oeil.
-C'est toi qui en as eu le plus.
-C'est pas vrai. Je veux pas te voir. Si tu viens, je te mets les
flics au cul, tu m'entends?
-Dis donc, ça va mal.
-Et je vais rien signer du tout. Je vais rien signer du tout.
-Bon, ben alors on vend pas. On continue à gérer, et tu n'auras pas
ton argent.
-Voilà, c'est bien ce que tu voulais, d'une manière ou d'une autre
je me fais avoir.
-Mais pourquoi tu veux pas qu'on vende Pantin et avoir ton argent
tout de suite?
-Je ne veux pas signer avant d'avoir une part de mon argent. Depuis
trois ans que je réclame ma part des Hurlevents, ma part de
l'avenue de Choisy, vous trouvez toujours des excuses pour rien me
donner. Et il y a un million de frans en liquide qui me reviennent, qu'est-
ce que t'attends pour me les donner ceux-là?
-Ben où est-ce qu'ils sont?
-C'était entendu à l'ouverture de la succession. Où ils sont, c'est
toi qui sais où ils sont.
-Ils sont dans Pantin.
-Tu parles, c'est pas vrai. Tu mens, tu mens, t'es incapable de
dire la vérité.
-Les Sounac ont des acquéreurs
-Je m'en fous des Sounac.
-Comme ils en ont marre de vivre à Paris ils vont partir à
Madagascar et mes interlocuteurs privilégiés, je ne les aurai plus
pour les ventes.
-T'as qu'à me donner l'argent que je réclame depuis le début et
puis après on parlera de signature. C'est ça que tu voulais, hein,
c'était venir m'extorquer une signature encore.
-Tu parles. Ah, tu sais plus ce que c'est que les sentiments, toi
hein.
-Oh ben toi non plus. Toi, t'as jamais su, jamais, jamais su, sauf
la haine, c'est tout ce que tu sens dans ton coeur, la haine,
l'avarice, le mensonge c'est tout ce que tu connais. L'amour
maternel, t'en a pas un atome.
-Qu'est-ce qui te déforme et qu'est-ce qui t'influence pour que tu
parles comme ça?
-C'est toi qui m'a déformée. Mais maintenant je me suis rattrappée.
Toutes mes soeurs elles sont complètement pourries par toi, et mes
frères aussi, sans parler des neveux et nièces.
-Eh ben dis donc, dans quel monde tu évolues.
- J'évolue loin du tien grâce à Dieu.
-Eh ben ça t'as pas arrangée, hein.
-C'est toi qu'es mal dans ta peau.
-Pourquoi tu m'as pas parlé comme ça quand t'étais ici il y a trois
ans?
-Hein?
-Pourquoi tu m'as pas parlé comme ca?
-J'avais la jambe malade, j'avais d'autres choses à penser, et je
m'étais pas encore rendue compte de tout ça à ce moment là.
-Alors qu'est-ce que tu as vu depuis?
-J'ai réfléchi et j'ai compris beaucoup de choses.
-Eh ben ça te réussit pas de réfléchir.
-Si, ça me réussit très bien parce que je me sens beaucoup mieux.
Et je me rends compte que t'as jamais voulu prendre de
responsabilité pour tes enfants. T'as jamais voulu assumer une
responsabilité. Tu faisais semblant de faire ton devoir de
mère.
-Quand je parlais de responsabilité je parlais de finances,
disposer de finances.
-Ouais ouais...t'as toujours eu beaucoup plus d'argent que tu ne le
prétendais....
-...ce que je n'ai jamais eu du temps de mon mariage.
-Bon, maintenant il faudrait que tu me remettes ma part des Hurlevents,
rapidos.
Grand silence.
-Bon, je vais voir ce qu'on peut faire.
-Ca fait trois ans, trois ans que vous dites oui, oui, non, oui,
oui, non, oui oui, ah mais non.
-J'aime autant te dire qu'il fallait que je me retrousse drôlement
les manches pour la gestion, hein,
-Ah d'accord...
- parce que des cafards, il y en avait partout.
-Pardon?
-Des cafards, il y en avait partout où je gérais...
- Ben j'en ai aussi
-...il y a trois ans. Il y a trois ans je me suis retroussé les
manches pour remettre à niveau des immeubles qui s'écroulaient.
-Mais d'accord, mais bon, on n'a rien sans rien. T'as quand même
plein de fric, toi, t'as des millions et des millions.
-Mais qu'est-ce que tu racontes?
-Mais oui, mais oui, et tu les donnes à condition que ceci, à
condition que cela.
-C'est pas vrai.
-Mais oui! Je te connais maintenant, je te connais depuis le temps
que je me demande comment tu fonctionnes, maintenant j'ai compris.
-Tu déformes tout et je te plains beaucoup.
-Mais non, ne me plains pas, commence...
-Ah si parce que vraiment, pour remuer des idées pareilles, mais ça
doit être terrible.
-Oui bien sûr ça a été terrible.
-Me faire passer pour une femme monstrueuse.
-Mais tu es monstrueuse! Tout le mal que tu vois tu l'as rejeté sur
moi, mais je n'ai rien de mal en moi. T'as voulu faire de moi une
droguée et une pute, c'est ça que tu voulais hein? Que je me
retrouve dans des films porno, ou avec un proxénète de tes amis,
c'est ça que tu voulais hein?
-Qu'est-ce que tu racontes?
-Mais oui
-Qu'est-ce que tu parles de films porno?
-Mais oui, t'aurais bien voulu que je finisse comme ça, hein? T'as
tout fait en ton pouvoir pour me faire tomber dans ce genre de
galère.
-Je sais pas si tu bois ou quoi, mais vraiment, j'en ai marre de
t'entendre. Alors tu veux du fric...
-Oui.
-Tu veux du fric.
-Bon ben on va essayer de t'en envoyer.
-Ben y a intérêt, oui, et rapidos, et 100 000 Francs.
-Tu m'avais...
-100 000 Francs
-Tu m'avais déjà promis que tu l'enverrais ta signature donc t'as
pas tenu parole, comment veux-tu que je te fasse confiance?
-On se rejette... Je ne t'ai jamais promis que j'allais signer.
-Ah si.
-Depuis le temps...
-Tu m'avais dit "Je te l'envoie aujourdh'ui ou demain"?
-Hein?
-Oui oui oui, tu m'as dit ça, je ne sais plus si c'était avant ou
après l'été, tu m'avais dit "Bon ben écoute, je signe aujourd'hui
ou demain".
-Ouais, mais tu m'as toujours fait des promess que t'as pas tenues,
toi aussi. On était bien d'accord l'été dernier, que ma part des
Hurlevents allait me revenir en liquide, n'est-ce pas?
-Oui.
-Bon, et alors?
-mais pas tout le monde était d'accord.
-Mais j'ai pas besoin de la signature de mes frangines. Si elles
peuvent se mettre en travers, elles n'hésiteront pas une seconde,
c'est bien connu, alors...
-Combien tu veux puisque tu fais du chantage?
-C'est toi qui fais du chantage.
-Non, mais combien tu veux pour signer Pantin, que je m'en
débarrasse?
-Ah ah ah...
-Non parce que j'aimerais mieux emprunter que de t'entendre encore
comme ça.
-Bon. Je voudrais ma part de Choisy et ma part des Hurlevents.
Ensemble, ça fait 760 000 Francs.
-Donc alors, faut vendre ton appartement.
-Oui. C'était très clair depuis l'ouverture de la succession, ça
hein.
-Bon.
-Eh bien on va mettre ça en marche.
-Bon, ben j'espère que tu m'informeras au moment.
-Ah ben quand ce cera vendu, oui bien sûr. Ben tu peux venir pour
le vendre aussi, dans le fond, pourquoi pas?
-Il y a des fonds, Maman, arrête!
-C'est pas toi qui fais le boulot.
-C'est un jeu d'écritures.
-De vendre un appartement?
-Il y a plein de fric partout.
-Ben si je le vends, oui, au au prix plancher, bien sûr, ça va être
très simple. Bon, ben je m'en occupe.
-C'est pas la peine de venir autrement.
-Au revoir.
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